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#ChallengeAZ : X comme Monsieur X

27 juin 2015

Comme le généalogiste amateur, le généalogiste professionnel peut être confronté à la loi de Murphy. Vous savez, celle qui fait que tous les registres existent, sauf un… celui dont vous aviez besoin pour vos recherches sur Monsieur X.

Laissez moi vous conter l’histoire de Monsieur X. Ce n’est pas un inconnu, mais je l’appellerai ainsi pour garder son anonymat, car il s’agit d’un de mes dossiers professionnels. Monsieur X donc pour préserver son anonymat, mais aussi pour toutes les croix qui jalonnent mes recherches à son sujet, comme autant de signes d’échecs.

Petite particularité de la recherche : elle concerne des évènements ayant moins de 50 ans.

Monsieur X a eu une vie mouvementée, des démêlés avec la justice, une mort violente.

Première étape : rechercher le lieu d’inhumation. 

L’article de presse mentionnant sa mort m’indique dans quelle morgue le corps a été transporté. Je me mets en relation avec le service des archives de l’hôpital, pour savoir si quelqu’un a réclamé le corps sinon, quel a été le lieu de l’inhumation.

On me répond que ce n’est pas le bon service (ah bon ?). Me voici partie pour une partie de ping-pong entre les différents services, pour finir à la Direction Générale de l’hôpital. Une charmante secrétaire s’étonne de m’avoir au téléphone, et me dit qu’il faut que je contacte… le service d’archives… Je lui explique alors mon parcours, avec un rire un brin nerveux, vous devez vous en douter. Elle se charge de mener l’enquête, et me rappelle quelques jours plus tard.

Alors que l’endroit où est emmené le corps (comme dans quel cimetière il a été inhumé) est systématiquement indiqué, aucune mention sur le dossier de mon Monsieur X.

Je me mets en relation avec la mairie pour savoir s’ils ont un dossier de transport de corps : non, ce type de document n’est pas conservé. A-t-il été inhumé dans le cimetière ? Rien dans l’ordinateur. Mais comme le logiciel est récent, on me conseille de me renseigner également auprès du bureau du cimetière. Vous devinez la réponse… rien dans les registres.

Monsieur X est décédé en Province, mais habitait Paris. J’appelle la mairie d’arrondissement de son dernier domicile connu. Rien non plus. L’employé étend la recherche à tous les cimetières parisiens. Echec.

Suite à mes entretiens avec les différentes administrations, dont celle de l’hôpital et de la mairie en Province, nous pensons qu’il est très probable que Monsieur X ait été inhumé dans le carré des indigents, de la ville où il est décédé.

Néanmoins, je n’ai aucune certitude. Voici une première croix, un premier X à noter dans la case réponse.

Deuxième étape : découvrir exactement quels ont été ses démêlés avec la justice.

Je suis en possession d’une lettre qu’il a écrite à son frère pendant son incarcération. Cette lettre porte le tampon de la prison.

Alors que sa fiche matricule indique une condamnation qui, compte-tenu de la date, n’aurait pas dû être reportée sur le document, la condamnation qui m’intéresse, et qui aurait dû être mentionnée, n’est pas signalée… Encore un X.

Avant d’entreprendre un déplacement de 500 km, je contacte les Archives départementales, pour savoir s’ils ont une trace de mon Monsieur X dans le registre d’écrou. Il y en a une… Avec un autre prénom. Est-ce le même ? N’ayant pas encore mis la main sur son numéro d’écrou, je ne peux le savoir. Encore un X.

Troisième étape : en apprendre plus sur sa mort violente

Pour essayer de comprendre ce qui s’est passé, je demande une dérogation au Service Interministériel des Archives de France pour pouvoir consulter l’enquête de police menée suite au décès de Monsieur X. J’obtiens rapidement l’autorisation, et le SIAF m’informe transférer dans la foulée ma demande aux Archives départementales détentrices du dossier.

J’avais été informée que le délai pour la deuxième dérogation pouvait être plus long. J’attends donc… et je relance, n’ayant aucune nouvelle.

La lettre du SIAF avait été bien reçue, mais classée par erreur.

Le Commissariat de police affirme avoir versé le dossier, mais il n’y en a aucune trace aux Archives.

A l’heure à laquelle j’écris ces lignes, la recherche se poursuit du côté du Tribunal de Grande Instance…

Dans toutes ces recherches, si j’ai joué de malchance à chaque étape de mes recherches, j’ai eu la chance d’être en contact avec des personnes remarquables, qui m’ont beaucoup aidée, même si cela n’était pas de leur ressort. Je les en remercie.

En attendant, Monsieur X garde ses mystères.

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  1. C’est ce j’appelle tomber dans la lacune. C’est frustrant au possible. C’est là que je me dis qu’avoir une obligation de moyens et non de résultat est une bénédiction pour un généalogiste familial.
    Je cherche les images en négatif dans ces cas-là. Si je ne trouve pas le renseignement qui m’intéresse, quels sont ceux que je peux avoir malgré tout ? Que me disent-ils ? C’est là où, comme tu le montres, il faut savoir jouer d’imagination, se poser les bonnes questions. Pas question d’être endormi des méninges. Et aussi faire comprendre au client que si on peut avoir des réponses, on ne les aura sans doute pas toutes.

    1. Merci Stéphane pour ton commentaire. Pas question d’être endormi des méninges, j’adore ton expression, mais c’est exactement cela !
      Si ce type de recherche est le plus frustrant pour le professionnel et son client, c’est aussi le plus motivant (pour le pro), car il faut sortir des sentiers battus, se faire un vrai remue-méninges pour trouver LA piste, mais aussi, savoir accepter les lacunes des registres et la frustration qui va avec.

  2. Bonjour,

    Et encore, vous avez affaire à ce que j’appellerais des “faux” disparus…

    Personnellement, je suis confronté à de “vrais disparus” (des cas d’absence plus exactement pour reprendre le terme juridique “technique”). J’en ai (au moins) trois dans mon ascendance directe !

    Et j’en suspecte un supplémentaire…(j’en suis sûr pour les trois précédents, la mention apparaissant dans les actes de mariage des enfants).

    Deux sous la Révolution (un couple) et une (c’est une femme dans les années 1854). Et là c’est une autre paire de manches !

    1. Bonsoir Bruno,

      J’ai aussi ce cas dans ma généalogie. Dans une généalogie, je dirais ancienne, nous nous résignons (ou pas !).
      Dans le cas cité, Monsieur X est le père d’un enfant qui souhaitait comprendre. Cela devient tout de suite plus difficile.

  3. Passionnant ! J’espère que vous nous tiendrez informés du dénouement.
    J’ai, dans ma généalogie, une AAAGM, enfant abandonnée à Paris V° en 1848, dont l’enfance m’échappe (dossier perdu ou transféré Dieu sait où), je ne la retrouve qu’à son mariage. La série U n’étant pas classée aux AD 02 lors de mon voyage en 2010, je n’y ai pas eu accès pour les conseils de famille…
    J’ai aussi un bagnard ariégeois qui me donne du “fil à retordre” et mon grand-père, mort noyé dans la Marne, alors qu’il était un nageur hors pair !!
    Mais ces cas difficiles me semblent être “le sel de la généalogie” à la limite entre la recherche pure et l’enquête policière. L’ethnologie généalogique, qui n’existe pas, est aussi une de mes passions, j’aimerais savoir comment mes “aujols” ont vécu… Cela suscite plus mon intérêt que des catalogues de patronymes et de dates.

    1. Merci Catherine pour votre commentaire. Je rejoins votre enthousiasme. Avoir des lignées à remonter sans problèmes, c’est reposant, mais le plus intéressant est, pour moi, le plus dur. Quel plaisir de trouver et de s’exclamer “Je t’ai eu !”
      Vous regroupez sous le terme ethnologie généalogie, ce que j’appelle l’histoire familiale. A la différence de la généalogie, l’histoire familiale place nos ancêtres dans un contexte, s’intéresse aussi à l’histoire sociale (voir à ce sujet l’article “Histoire familiale et histoire sociale” : https://la-gazette-des-ancetres.fr/histoire-familiale-et-histoire-sociale/

      Nous avons tellement à découvrir, la généalogie est passionnante !

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