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Paule : une femme dans la Résistance

19 novembre 2019

Pendant un mois, je partage avec vous mon journal : une année de généalogie. Entre contrats professionnels et recherche privée, découvrez les facettes de la généalogie. Aujourd’hui, je vous parle d’un dossier qui m’a particulièrement touchée, celui de Paule, une femme entrée dans la Résistance.

Au cours de l’année, je traite plusieurs dossiers clients. Il y a des demandes de déblocage de recherches généalogiques, de la recherche sur plusieurs générations, de l’accompagnement en organisation, de la recherche biographique … Si tous les dossiers sont uniques, si je me souviens de chacun d’eux, il arrive qu’un dossier me touche plus particulièrement.

À l’origine de la recherche

J’ai été contactée par O.J. en 2018. Enfant, il quittait les États-Unis, où il est né, pour passer ses vacances d’été chez sa grand-mère en France. Il savait qu’elle était résistante pendant la Seconde Guerre mondiale, bien qu’elle n’en parlait pas. Aujourd’hui adulte, et lui-même, père de famille, il voulait en apprendre plus sur celle avec laquelle il avait ses souvenirs d’enfance, afin de partager cet héritage.

Paule, une femme dans la Résistance

C’est en 1943 que Paule rejoint le mouvement de résistance, POWN Monica.

Le mouvement POWN a débuté en juin 1941 dans la zone sud. Il est d’abord structuré à Lyon, puis s’installe dans la région nord de la zone occupée à partir de l’été 1942.

Ce mouvement de résistance polonais œuvre pour “l’organisation de l’indépendance polonaise”. Pour cela, les fondateurs du mouvement estiment qu’il faut participer à la libération de la France avant de pouvoir espérer l’indépendance de leur pays. Parmi les immigrés polonais, le sentiment national est extrêmement puissant et très mobilisateur auprès du gouvernement polonais en exil à Londres. La grande majorité des combattants sont essentiellement des travailleurs. Ils sont supervisés par une élite intellectuelle composée de cadres, de professeurs et d’officiers de l’ancienne armée polonaise.

Au printemps 1944, le mouvement intègre l’organisation des FFI du général Koenig sous le nom de Forces de résistance polonaises en France. Cette force représente une force opérationnelle de 9.485 hommes et femmes.

Après sa rencontre avec le colonel DANIEL-ZDROJEWSKI, nom de code Nestor, Paule devient agent de liaison. Elle organise des réunions secrètes, héberge des soldats, cache du matériel.

De la liberté à l’enfer des camps

Alors qu’elle est à Paris pour rencontrer un membre des Forces Militaires Polonaises, la Gestapo arrête Paule.

Marquage des prisonniers politiques français

Après un interrogatoire violent, elle est incarcérée à la prison de Fresnes.

Paule fera partie du dernier convoi qui partira de la station Pantin, le 15 août 1944. 2 200 résistants sont envoyés vers Buchenwald et Ravensbrück.

Après six jours de voyage dans des conditions terribles, le convoi arrive à Ravensbrück. Les femmes rejoignent leur camp à pied, sous un soleil de plomb. Elles sont juives, polonaises, prisonnières politiques venant de la Résistance.

Vingt jours plus tard, Paule est envoyée au HASAG-Leipzig, avec vingt-sept autres détenues de Ravensbrück. Elle était l’une des plus jeunes détenues.

La «Hugo-Schneider-Aktiengesellschaft» (HASAG), dont le siège est à Leipzig, était le plus grand fabricant d’armes de Saxe et l’une des sociétés qui tiraient le plus grand profit du travail forcé. La société possédait de grandes usines de munitions en Pologne occupée et dans le Reich allemand, où hommes et femmes juifs, travailleurs forcés et prisonniers des camps de concentration devaient travailler. À Leipzig seulement, des milliers de travailleurs forcés ont dû produire des munitions et Panzerfäuste (une grenade allemande propulsée par fusée semblable à un bazooka). À l’été 1944, le plus grand camp annexe de femmes du camp de concentration de Buchenwald, avec plus de 5 000 prisonnières, est construit à côté du site de l’usine.

Dessin par Suzanne Maudet – Les évasions des Marches de la mort (Escaping the Death marches) Janvier-février et avril-mai 1945, Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah – Amicale d’Auschwitz (2014), 22

Les marches de la mort

Après les bombardements alliés du 13 avril, les usines doivent arrêter leur production. Les travailleurs forcés sont renvoyés dans leurs camps.

,Les femmes du Kommando de Leipzig sont réveillées dans la nuit du 13 au 14 avril. On leur donne 500 grammes de pain, une saucisse et 125 grammes de margarine, qu’elles doivent partager.

Par les récits des femmes évacuées d’Auschwitz qui ont pu leur parvenir, les prisonnières connaissent les conditions de ces marches forcées. Elles savent aussi que le seul moyen d’y survivre est de réussir à s’évader.

Après un premier arrêt à Wurzen, la marche reprend vers Oschatz. Le long de la route, les plus faibles s’effondrèrent incapables d’avancer, même pour échapper aux balles des SS. Arrivées à Oschatz, les déportées constatent que la plus grande confusion règne là-bas. Les SS ont abandonné les colonnes de prisonniers. Les chefs de groupe rappellent aux femmes qu’elles doivent se disperser dans toutes les directions en petits groupes et attendre l’arrivée des armées alliées.

Profitez de la première occasion de vous enfuir, vous pouvez vous préparer avec une, deux ou trois camarades, pas plus, car un groupe plus important serait moins mobile et plus localisable. Il faudra emprunter les petits sentiers en direction ouest pour atteindre les lignes anglo-américaines et demander l’aide des prisonniers de guerre français travaillant dans les fermes.

D’après divers récits de femmes ayant réchappé de cette marche de la mort, au cours de la semaine qui s’est écoulée entre la fuite d’Oschatz et la libération des Américains, elles ont travaillé dans des fermes. Selon les informations dont elles disposaient, elles ont pris la route pour retrouver les troupes alliées, tout en évitant les soldats allemands.

Paule indique dans ses papiers, qu’elle a été libérée par les troupes américaines le 25 avril 1945.

Elle est rapatriée en France, avec un passage à l’hôtel Lutetia.

La construction du récit

Pour pouvoir retracer le parcours de Paule, je me suis bien sûr basée sur son dossier de résistante, son dossier de prisonnière, ainsi que sur d’autres sources concordantes qui m’ont permis de compléter les informations.

Je ne vous livre ici qu’un extrait de l’ensemble de la recherche. Grâce aux différents témoignages de femmes détenues à la prison de Fresnes, faisant partie du même convoi ou étant dans le même block que Paule, mais aussi de nombreux documents relatifs à la Résistance, j’ai pu préciser tout le parcours de cette jeune femme.

La dureté des descriptions est un élément que j’ai dû prendre en compte. J’ai préféré interroger mon client pour m’assurer qu’il était prêt à affronter ce que sa grand-mère avait pu endurer comme sévices.

Je suis reconnaissante à mon client de m’avoir demandé de retracer le parcours de Paule et ainsi, de pouvoir lui rendre hommage.

Sources et blibliographie :

  • Service Historique de la Défense
  • Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains, Caen
  • Archives de Bad-Arolsen
  • Leipzig Nazi Forced Labour Memorial, Transportliste Ravenscbrück – document page 7 –
  • Leipzig Nazi Forced Labour Memorial, The Hugo-Schneider-Aktiengesellschaft (hasag) (Industrial Company Hugo Schneider), https://www.zwangsarbeit-in-leipzig.de/
  • Archives nationales, Journal du block I5 du camp de travail de Leipzig, 72AJ 355 – document page 8 –
  • Témoignage de Nicole Clarence, « ELLE » magazine, 29 mai 1964, in Les évasions des Marches de la mort (Escaping the Death marches) Janvier-février et avril-mai 1945, Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah – Amicale d’Auschwitz (2014), 119-121
  • Témoignage de Lise Ricol-London, in Les évasions des Marches de la mort (Escaping the Death marches) Janvier-février et avril-mai 1945, Cercle d’étude de la Déportation et de la Shoah – Amicale d’Auschwitz (2014), 134-137
  • Leipzig Nazi Forced Labour Memorial, Femmes de France au kommando Leipzig Hasag (Amicale de Ravensbrück, 2017)
  • Lutetia 1945, le retour des déportés, http://lutetia.info

Crédit image : Image par S. Hermann & F. Richter de Pixabay

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  1. Félicitations pour ce récit et toutes les recherches que vous avez dû faire. Merci de nous l’avoir fait partager. Votre client a dû être satisfait mais secoué aussi. Il faut se souvenir de tout ce que ces femmes ont enduré. C’est un devoir de mémoire, au même titre que les Morts pour la France ou Les Poilus. Les descendants de Paule peuvent être fiers d’elle. Merci pour elle et ses compagnes.

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