généalogie comprendre passé histoire
Général Sur le Blog...

La généalogie pour savoir d’où l’on vient ?

15 août 2017

Après la lecture d’un article intitulé Pourquoi connaître le passé n’aide pas à comprendre le présent, je me suis interrogée sur ma pratique de la généalogie, et plus particulièrement sur ce qui m’avait poussée à commencer des recherches et aujourd’hui, la raison pour laquelle je continue.

 

Nicolas Simon a publié un article très intéressant sur le site ParenThèses. Sous le titre Pourquoi le passé n’aide pas à comprendre le présent, il reprend et analyse une réflexion de l’historien Jean Stengers (1922-2002).

Selon Jean Stengers affirmer qu’analyser le passé sert à comprendre le présent est une tautologie. Non seulement, cela ne sert à rien, mais serait presque un non-sens. Étudier le passé nous permet de comprendre la représentation que nous nous en faisons dans le présent.

C’est cette affirmation qui m’a amenée à réfléchir sur mon rapport à la généalogie.

 

Pourquoi ai-je commencé ma généalogie ?

Comme beaucoup de généalogistes, je répondrais pour savoir d’où je viens. En fait, ce n’est pas vrai. Plutôt que de savoir d’où je viens, j’ai été poussée par la curiosité. La curiosité de savoir qui étaient ceux avant moi. Qui étaient-ils ? Comment vivaient-ils ? Quels furent leurs parcours ?

D’aussi loin que je me souvienne, je me suis posé ces questions. D’abord devant un portrait, chez ma grand-mère, puis, quelques années plus tard, le nez plongé dans un sac à main. Ce sac noir était rempli de photos en noir et blanc. Des gens étaient sur ces photos. Qui étaient-ils ? Ce microcosme de ma vie dans ce petit sac m’a toujours intriguée. Je prenais même le risque de me faire surprendre et disputer, car je n’avais pas le droit de regarder dedans. Bien évidemment, cela ne faisait qu’accroître ma curiosité.

Je ne saurais jamais qui étaient ces hommes et ces femmes. Des membres de ma famille, des amis, des inconnus ? Ma mère m’a avoué avoir jeté le sac et son contenu, sans jamais me révéler ce que représentaient ces photos.

J’ai commencé la généalogie parce que j’avais une certaine représentation de mes aïeux, et je voulais savoir si le peu qui m’avait été transmis, la représentation que je m’en faisais, étaient vrais.

 

Aujourd’hui, quel est mon rapport à la généalogie ?

Dès le début de mes recherches, j’ai compris que non seulement étudier le passé ne servait pas à comprendre le présent, mais aussi que la représentation que je m’en faisais, que nous nous en faisions, était faussée par nos propres valeurs. Peu à peu, mon rapport à la généalogie, ma façon de chercher ont donc évolué.

 

“Si le but du chercheur est bel et bien de comprendre le présent, alors « ce qu’il importe de connaître n’est pas du tout le passé, reconstitué avec un maximum de soin et d’exactitude, mais bien l’image que les hommes se font du passé »”

 

“L’image que les hommes se font du passé”. N’est-ce pas aussi le cas du généalogiste ? Nous nous faisons une image de notre passé, de nos ancêtres. Nous les idéalisons.

Je commence toujours mes cours de généalogie par cette phrase “Oubliez ce que vous pensez savoir sur vos ancêtres”. De même, lorsque je suis contactée par un client qui veut que je mène une recherche sur la base d’une histoire transmise de génération en génération, je réponds toujours “Attendez-vous à être déçu(e)”.

Si vous n’êtes pas prêt(e) à revoir l’image que vous vous faites du passé, ne commencez pas la généalogie, vous serez déçu(e).

Comment faire ? Me direz-vous. Nous avons grandi avec des histoires, ou légendes, familiales. Nous avons une vision de l’histoire qui nous a été enseignée, transmise, à un instant T, alors que prévalait une certaine vision du monde. Comment ne pas transposer ceci sur nos recherches généalogiques ?

 

Oublier ce que l’on sait

Comme Jean Stengers qui essayait de faire comme s’il ne connaissait pas le passé afin de ne pas être « pollué » par ses connaissances, je débute chaque nouvelle recherche, qu’elle soit pour un client ou personnelle, avec une feuille blanche en tête.

J’oublie tout ce que j’ai pu apprendre, ou lire, à mes débuts : nos ancêtres bougeaient peu, tous établissaient des contrats de mariage, du plus riche au plus pauvre, l’Église régnant en maître, ils étaient sages comme des images, etc.

Après quelques recherches, vous découvrez que tout cela est faux, de même que les histoires qui ont bercé votre enfance, soit elles étaient romancées, soit il manquait un pan du récit..

(…) c’est donc davantage un « complexe d’idées, pas toujours bien définies » qui constitue notre rapport au présent et pas vraiment « le passé authentique » dans le sens de véridique historiquement parlant (…)

 

Comment je mène mes recherches aujourd’hui

Je cherche, je fouille, je mène l’enquête. Je reconstitue minutieusement la vie des individus, tout cela sans à priori. Alors que Jean Stengers affirmait qu’il fallait oublier le passé pour comprendre le présent, j’essaie d’oublier le présent, pour comprendre le passé de mes, de vos, ancêtres.

 

Nicolas Simon, Pourquoi le passé n’aide pas à comprendre le présent, publié sur ParenThèses le 7 août 2017, http://parenthese.hypotheses.org/1920

EnregistrerEnregistrer

Only registered users can comment.

  1. Bonjour Sophie.
    Je me permets d’exposer succinctement mon cas pour appuyer et illustrer votre point de vue.
    J”ai commencé mes recherches généalogiques il y a une quarantaine d’années parce que mon père avait disparu beaucoup trop tôt, que ma mère avait été une taiseuse et qu’un article paru dans un magazine grand public m’avait appris que des recherches étaient possibles.
    Loin de la simple confection d’un arbre généalogique et comme m’a dit un ami généalogiste, je sais “traire les actes” pour résoudre des énigmes et me faire une opinion pas trop farfelue. Il m”a fallu regrouper le maximum d’actes, les recouper sans a priori, avec rigueur et les recouper pour reconstituer les familles sur au moins trois générations voire davantage en cas de mariages consanguins.
    Une solide culture en histoire locale, province par province, est indispensable ainsi que de connaissances et de sens psychologique acquis notamment, en ce qui me concerne, par dix années de dépouillement dans les séries judiciaires pour m’imprégner des mentalités, Peu à peu, je suis devenue capable d’aider d’autres généalogistes à surmonter leurs difficultés et j’ai ainsi pris confiance dans mes méthodes et intuitions. Disons que lentement mais sûrement, j’ai progressé.
    Au final, j’ai découvert que la vie de mes parents ne se limitait pas au couple parental, j’ai clarifié quelques légendes familiales, j’ai découvert que des pans de ma personnalité et de mes goûts venaient droit de mes ancêtres, que les opinions politiques familiales découlaient de la Révolution française, qu’une grand-mère, femme simple mais sachant parfaitement se comporter en toutes circonstances avait de qui tenir et comment une alchimie a pu se produire entre mon père et ma mère. J’ai aussi découvert que quelques-uns de mes aïeux ont été mêlés à des événements connus et que beaucoup se sont engagés dans la vie locale ou ont assumé des responsabilités professionnelles. Je suis la résultante de tous ces gens-là si bien que les différentes facettes de ma personnalité trouvent leur cohérence dans le passé. Ce savoir me donne sérénité, force et efficacité parce que je ne me perds plus en interrogations, doutes et hésitations inutiles.
    Il serait absurde et ridicule de ma part de croire avoir trouvé la vérité de tous mes ancêtres. Dans une fratrie, chaque enfant n’a-t-il pas une vision toute personnelle de ses père, mère, frères et soeurs ?
    Si on veut bien garder à l’esprit que la généalogie ne s’appuie que sur une réalité administrative limitée par les seules sources parvenues jusqu’à nous, qu’elle n’est en aucun une preuve de filiation biologique mais plus sûrement la trace d’une trajectoire sociale, alors on peut comprendre pleinement que nous ne sommes qu’un maillon de l’enchevêtrement des chaînes sociales. Cela peut sembler peu mais cela donne un ancrage précieux pour soi et pour sa famille. Pour conclure, je dirais donc que la connaissance du passé, des racines est un atout, Ce n’est pas la majorité de ceux qui ont été des enfants victimes des drames de l’Histoire, naturels, abandonnés, adoptés voire nés grâce à certaines techniques de procréation médicale qui me contrediront.
    Enfin, ceux qui recherchent avant tout le lien biologique peuvent recourir aux tests ADN mais c’est une toute autre approche qui sort de la quête individuelle pour impliquer d’autres personnes.

  2. Bonjour,
    Article trsè intéressante. “Jeune professionnelle”, j’ai comme vous la même aproche vis à vis de mes clients. Toutefois personnellement, ayant très peu connu ma famille paternelle, j’ai eu besoin (par le biais de la généapsychologie) de connaître le passé de cette famille, pour me construire. La recherche d’ancêtres n’est pas pour moi un empilement d’actes de naissance, mariage et décès, c’est avant tout raconter une histoire qui est souvent loin des légendes familiales. Connaître ce passé, c’est aussi s’en détacher.
    Merci pour cette article qui pose de bonnes pistes de réflexions.

  3. La barre est haute, pour déconstruire un raisonnement qui ne me plait pas, il faut s’attaquer à l’oeuvre de Spenger qui finalement ne sert que de marche pied pour mettre en avant votre intéressante démarche. Il est difficile de trouver un angle qui offrirait une limite de démarcation entre son approche et la votre. Il y a souvent une confusion philosophique entre les réalités et les actualités. On ne cerne jamais l’objet de notre étude dans son ensemble, mais seulement au travers d’un angle de vue plus ou moins limité. On ne va pas non plus barrer d’un trait, tous les philosophes, historiens, politiciens, statèges qui font mentir Spenger. Le passé aide bien à comprendre le présent, nous avons tous dans nos vies de nombreux exemples mais le contraire est tout aussi vrai. Ainsi va la vie et ses agaçants paradoxes. L’angle d’un point de vue n’offre que des limites et notre compréhension s’y heurte.

    @Bruno: La généalogie ne se heurte pas simplement aux “réalités biologiques”. Il peut y avoir une foule d’autres erreurs autres que les hypothèses de cocufiages, de dons de bébés à des femmes stériles etc. Oui, c’est un problème dont nous avons tous conscience à un moment ou un autre. Aucune recherche n’est vaine, toutes les sciences, tous les arts sont une succession d’essais, de réussites ou d’erreurs. Les sciences se complêtent, toute nouvelle connaissance peut ébranler l’édifice ou le consolider. Le réalisme comme tout, n’est qu’illusion.., mais c’est ainsi que l’on repousse les frontières de notre ignorance. C’est cette soif de connaissance qui anime le chercheur.., la généalogie répond à cette règle. Je me dis que si une personne dans le futur devait étudier ma vie sur la foi des documents officiels, il n’y verra rien de bien réel, mais des jeux de circonstances qui laissent des traces souvent à l’opposé des faits.

    1. Bonjour,

      Merci beaucoup pour votre remarque. En effet, il est difficile de cerner un objet dans son ensemble, il nous manquera toujours un élément, celui de l’instant T, celui que nous n’avons pas vécu. Tout est lié, mais notre interprétation déforme la réalité. Au final, faisons-nous de la généalogie pour comprendre ou essayer de comprendre ?

      Sophie

  4. Très sympa cet article !

    J’ai également récemment réfléchi à mon rapport à la genealogie depuis que je m’y suis sérieusement remis (mai dernier).

    Quand j’ai commencé la généalogie, c’était dans le but de savoir QUI je suis ; comme si la réponse se trouvait dans le passé. Mais finalement ce passé peut se modeler à ma guise : je peux décrire mes ancêtres comme de gentils paysans vivant simplement, ou leur donner l’aspect de méchants pedophiles incestueux prêts à tout pour garder leurs terres et leur pouvoir. C’est une sorte de fausse réalité, ça n’est pas le monde réel, juste une projection de mon cerveau.

    Désormais, je vois la généalogie comme un gros challenge (données nombreuses et difficiles à organiser), un grand espace de jeu ; le besoin de savoir d’où je viens à laissé place à la curiosité de regarder comment on vivait “avant”. Enfin, j’aime le fait de pouvoir prendre du recul sur moi, ma place dans le monde, l’humanité, la nature, la planète, etc…
    Tout est lié, je trouve ça chouette d’essayer de le voir de mes propres yeux, d’où la cartographie ?…

    Merci pour cet article !

    Sébastien

    1. Bonjour Sébastien,

      Merci pour votre message. Je suis entièrement d’accord avec vous. La généalogie nous amène aussi à prendre du recul sur le monde et sur nous-mêmes. Quand je vois le nombre d’individus qui ont vécu avant moi, qui suis-je ? Si ce n’est qu’un grain de sable de plus sur cette immense plage.

      Sophie

  5. Bonjour,

    Que répondez-vous à ceux qui vous rétorquerons, au nom du réalisme, que la généalogie telle qu’elle apparaît dans les documents d’archives présente un certain risque de ne pas correspondre à la réalité biologique et qu’à ce titre, c’est une démarche assez vaine ?

    1. Bonjour Bruno,

      Je répondrais qu’il en est de même pour l’histoire. Que savons-nous au final ? Des témoignages, des écrits. Mais nous n’y étions pas, nous n’avons pas vécu ce qui s’est passé. Et quelle est cette réalité biologique que vous citez ? Celle de l’incertitude du père ? C’est encore le cas aujourd’hui. Nous en revenons donc à la question “pourquoi faire de la généalogie ?”. Si c’est pour prouver une quelconque filiation, cela est vain et futile à mon avis. Si c’est pour comprendre une société, des individus, alors la généalogie peut nous aider dans cette quête.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.