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Généalogie à l’école : mon expérience avec des CE2-CM1

29 octobre 2015

Dans le cadre des Nouvelles Activités Périscolaire, la mairie de Paron (Yonne) m’a demandé d’animer des ateliers de généalogie pour les trois écoles primaires de la ville. Je vous propose mon retour d’expérience avec les classes de CE2 – CM1.

Depuis la rentrée 2014 – 2015, et la nouvelle organisation du temps scolaire, la mairie de Paron a mis en place différentes activités. Ces NAP se tiennent, pour un groupe d’enfants, durant deux heures, un après-midi par semaine. Pendant ces deux heures, le groupe est divisé en deux, et réparti sur deux activités d’une heure chacune.

J’ai été sollicitée par la responsable de la médiathèque de Paron, en charge de l’organisation des NAP pour les trois écoles primaires de la ville, afin de proposer une animation autour de la généalogie.

Le contrat a été découpé en trois périodes. La première période, qui vient de se terminer, concernait l’animation d’ateliers pour les élèves de CE2-CM1. La deuxième période, qui commencera le 2 novembre sera consacrée aux élèves de CM2. Enfin, la troisième et dernière période, qui débutera le 11 janvier 2016 sera avec les CP-CE1.

Organisation du temps

Je suis intervenue les lundi, mardi et jeudi, de 14 heures à 16 heures, les deux heures étant découpées en deux fois une heure. Le lundi était consacré à l’école 1, le mardi à l’école 2, et le jeudi à l’école 3. Les ateliers se sont déroulés à la médiathèque.

Les défis

Mon premier défi a été de faire découvrir, et aimer, la généalogie à des enfants en seulement trois séances d’une heure. Mon deuxième défi va, quant à lui, à l’encontre des conclusions de la journée d’étude Jeunes et Généalogie du 28 mars 2015 (1). Si le jeudi, j’avais deux groupes de 6 élèves (l’idéal), le lundi j’avais une quinzaine d’élèves par groupe, et le mardi, vingt pour le premier groupe et vingt-cinq pour le deuxième … Pour chaque groupe, j’étais assistée de leur accompagnatrice.

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Le déroulement des ateliers

La première séance a été une séance de présentation de la généalogie, du métier de généalogiste. Nous avons également travaillé sur les notions de famille, de grands-parents paternels et maternels. Pour m’appuyer dans cette activité, j’ai fait travailler les enfants sur l’arbre généalogique de Pauline. Ils devaient ensuite remplir un questionnaire du type Pauline est la fille de _____, sa grand-mère maternelle s’appelle _____ etc. Enfin, je leur ai donner une planche avec ces mots-clés. Ils ont eu à les découper, et les replacer sur l’arbre.

 

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Si, au début, tout le monde a râlé qu’il fallait travailler (après tout on n’est plus en classe !), ils se sont vite pris au jeu, et ont adoré faire l’exercice. Les seules remarques négatives ont été sur le fait que Marie ressemble plus à Catherine que Louise !

A la fin de cette première séance, les enfants sont repartis avec un questionnaire. Cette fois, l’enquête était à mener à la maison : comment s’appelle les frères et soeurs, papa – maman, les grands-parents, quelles sont les dates de naissance ? S’ils le désiraient, ils pouvaient revenir avec des photos.

Le deuxième atelier était donc axé autour de leur généalogie. Les enfants sont tous revenus, ou presque, avec leur enquête. Ceux qui l’avaient oubliée à la maison, ont dû travailler de mémoire. Ils s’en sont très bien sortis. J’étais partie sur l’idée de les faire travailler à partir d’un arbre déjà imprimé. Devant leur enthousiasme pendant le premier atelier, pour la séance découpage / collage des étiquettes, j’ai choisi de leur laisser le choix : représenter sa généalogie sur l’arbre que je fournissais, ou dessiner leur propre arbre. Sur les trois groupes, seuls deux enfants ont préféré travailler sur l’imprimé.

L’arbre terminé, le troisième atelier leur a permis de découvrir un acte ancien : lire, et relever les informations qui s’y trouvent. Pour cette activité, j’ai choisi un acte de 1854. Il s’agissait de la naissance de Henri Chicouet, pâtissier paronnais connu pour sa galette. Les enfants en connaissent le nom, grâce au rond-point qui porte son nom, situé près de la maison qui fut sa pâtisserie. L’occasion pour eux de découvrir que généalogie et histoire locale peuvent ne faire qu’un.

 

AD Yonne, cote 2E288/5, Paron naissances (1851-1875)
AD Yonne, cote 2E288/5, Paron naissances (1851-1875)

 

Là encore, les premières réactions ont été unanimes : “Quoi ?!” “Mais on saura pas lire ce truc !”. Ayant remarqué des inimitiés très fortes pour certain(e)s  : “LUI / ELLE, ne se met pas avec moi, ne me parle pas” etc., et face au trop grand nombre d’élèves pour faire une lecture collégiale, j’ai choisi pour cette activité de mélanger les groupes, et de les faire lire à tour de rôle dans le groupe. Charge à eux d’aider le copain quand il butait sur un mot. Ils ont été les premiers surpris du résultat : non seulement ils ont réussi à lire l’acte, mais aussi à le faire en s’entraidant. Cet esprit d’entraide est resté pour retrouver les informations dans l’acte et remplir la fiche individuelle.

 

Tous les travaux réalisés ont été rassemblés dans un dossier personnel qui sera relié et donné à chaque élève.

Conclusions

En dehors d’une élève qui n’a pas du tout été intéressée (“Je sais déjà tout”), tous ont été très contents de l’atelier et, comme moi, déçus qu’il se termine au bout de trois séances. Leur curiosité a été piquée, une grande majorité m’a demandé d’ajouter au dossier l’acte de décès de Henri Chicouet, comme pour connaître la fin de l’histoire. Un élève dont le papa fait de la généalogie en a profité pour remonter un peu plus haut dans son arbre.

L’enquête a été l’occasion pour beaucoup de découvrir des histoires de famille, et de s’empresser de me les raconter à peine arrivés ! C’est qui leur a plu dans l’activité, outre de jouer au détective : “On a pu en apprendre plus sur notre famille”. Vont-ils continuer ? Certains le souhaitent. J’espère que leur famille les y aideront.

 

Difficultés et joies

Parmi les élèves, j’avais des enfants en famille d’accueil, en foyer ou adopté. Il peut être délicat d’aborder la notion de famille quand, eux-mêmes sont ballotés ou ne savent pas comment se situer.

Un des élèves n’a pas réussi à faire le deuxième atelier. Enfant adopté, c’est un enfant qui a encore le pied entre deux familles. L’activité lui étant difficile, nous lui avons proposé de rester avec le groupe qui faisait la deuxième activité. Il a choisit de revenir pour la dernière séance, mais la blessure est toujours ouverte. Nous nous sommes parlé, à part. Il m’a expliqué qu’il pleurait car “Je ne connais pas mes grands-parents. Je n’ai pas de famille”. On peut se préparer à tout, mais pas à la détresse d’un enfant. Je lui ai expliqué que tout le monde a une famille, que, comme lui, je n’ai pas connu mes grands-pères, mais je sais que je fais partie d’eux, comme lui de ses grands-parents. J’ai essayé de trouver les mots justes pour lui expliquer que ce n’était pas grave s’il ne faisait pas sa généalogie. La généalogie ne doit pas faire pleurer, pas faire mal au corps, au coeur. Peut-être un jour sera-t-il prêt, et sa maman adoptive (qui nous avait prévenues de sa détresse) sera sûrement à ses côtés pour l’aider. Le voir sécher ses larmes, revenir parmi ses copains, participer à la lecture de l’acte, fut un moment touchant.

Que faire quand un enfant en famille d’accueil ne sait pas qui représenter dans son arbre ? Je mets ma maman et mon papa ou mon toton et ma tata ? Qui as-tu envie de mettre ? Bah tout le monde ! Alors tu mets tout le monde !

 

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Que faire quand un enfant veut aussi mettre ses cousins, mais qu’il en beaucoup ? Tu as combien ? Au moins 30 ! Ah oui … (imaginez le cerveau de l’animatrice qui carbure à 200 km/h pour trouver une solution) (Lumière !) Et si tu faisais un arbre de tes cousins ? Oh oui ! Je sais comment je vais faire.

 

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Que faire quand un enfant qui a commencé à dessiner un superbe arbre retourne sa feuille pour en faire un tout petit et deux traits verticaux à côté ? Pourquoi tu fais un tout petit arbre, l’autre était chouette ? Attends ! C’est quoi les deux traits à côté de l’arbre ? Attends ! Ok…

 

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Je vous présente, je cite l’auteur  “l’échelle généalogique, qui permet à la famille de grimper dans l’arbre”.

En conclusion, si vous prévoyez d’animer un atelier de généalogie avec des enfants :

  • Il faut arriver avec un plan, et être prêt à le jeter aux orties
  • Il faut être souple. L’arbre n’est pas rempli selon les règles de l’art ? Ce n’est pas grave. L’enfant ne veut pas faire l’activité demandée ? Il faut ruser pour la présenter sous un angle qui lui donnera envie.
  • Il faut être patient. Au mieux, vous avez six petits excités qui, pris dans leur élan, veulent tout savoir, tout de suite ; au pire, ils sont vingt-cinq, et vos neurones peuvent exploser en plein vol.

Note : j’ai effacé les dates, ou les noms sur les dessins.

(1) Voir mon article Un atelier de généalogie à l’école, c’est possible ! paru dans le numéro 219 de la Revue française de Généalogie.

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  1. Bonjour Sophie et merci pour cette belle experience partagee.

    Je suis en Haiti et je travaille sur le sujet egalement. Il y a quelques mois j’ai organise le premier salon de la genealogie. Grace a tes temoignages, je suis certain de pouvoir mieux intervenir et surtout anticiper sur les prochains ateliers que je compte organiser avec des eleves…

    Bon travail et felicitations.

    Dominique Domercant

    1. Bonjour Dominique,

      Merci beaucoup pour ton commentaire. Si tu as des questions, n’hésite pas, je serai ravie de pouvoir t’aider (contact @ lagazettedesancetres . com).

      Sophie

  2. Bonjour Sophie. Je viens de lire votre expérience avec les enfants ! Et oui, ce n’est pas facile d’être enseignant ! Pourtant, ils sont beaucoup critiqués ! Bon courage à vous pour la prochaine séance.

  3. Superbe ! Tu as eu de très belles idées pour les initier ! Cela me donne envie de partager ma passion avec les enfants et leur faire découvrir ce que peut ressentir le détective-généalogiste. Une expérience enrichissante à la fois pour eux et pour nous. Peut être une idée à creuser ou suggérer à ma mairie.
    A bientôt.
    Mickaël

    1. Merci Mickaël. Pour les idées, je me suis inspirée de mes petits camarades, comme Véronique à Turny. Ensuite, il y a beaucoup d’adaptation, mais c’est une très belle expérience. Je t’encourage à proposer quelque chose à ta mairie 😉

  4. Ça me rappelle mon (ex)boulot => J’étais instituteur et maître-formateur. Tu parles de pédagogie. J’aurais bien quelques situations délicates à te proposer… Plus que préparer sa “séance de généalogie”, il faut donc s’armer face à des situations qui peuvent surgir ou se révéler de par l’activité dans le groupe : cela va de la situation maintenant anecdotique (deux mamans et un papa mais une famille qui assure) à la situation trop douloureuse et trop insupportable (pour schématiser et réduire : viol et sida dans une classe de CE2). J’apprécie tes conseils : être prêt/e à bouleverser la séance, “être patient”, “être souple” . J’y ajouterais surtout écouter et entendre les enfants. Bon courage et bravo.

    1. Merci Roland, j’apprécie ton aval. Effectivement, il faut s’armer, même si on s’y attends le moins. Il faut être à l’écoute en effet, et c’est là que nous nous réalisons qu’être enseignant est un sacerdoce. Comment être à l’écoute de chaque gamin, quand on est seul à devoir en gérer 30 ?
      Dans chaque groupe, j’avais le “cas”, celui qui perturbait, qu’il fallait recadrer dès le départ, sinon il mettait le bazar pour toute la séance. En les observant, j’ai compris que c’était des enfants qui comprenaient très vite, travaillaient très vite, donc s’ennuyaient très vite. Sans occupation, que font-ils ? Ils s’occupent à leur façon ! Ce sont aussi des enfants qui ont un énorme besoin de valorisation. Les mettre devant la qualité de leur travail, leur faire remarquer que c’est super agréable pour tout le monde quand ils sont plus calmes, leur proposer d’aider les copains, leurs proposer de prendre de l’avance sur le programme, c’est comme cela que j’ai pu les maintenir calmes.
      Je suis consciente qu’il ne s’agit que d’une heure. Difficile pour un enseignant, mais pas impossible à mon avis.

      1. Tenir compte de chaque enfant (je n’aime pas le mot élève parce qu’il est de la même famille que le mot élevage…), de chaque personnalité même si chacune est en construction, respecter l’éducation familiale… ne s’apprend pas beaucoup dans les établissements qui forment les enseignants (pas plus que le contrôle de sa voix d’enseignant). Ceux qui tentent encore et toujours de le faire parle le plus souvent de pédagogie différenciée, d’individualisation du travail, d’auto-responsabilité (le mot auto-gestion est trop connecté politique), de respect de tous par tous. Mais depuis 1920 qu’il existe de ces enseignants, on les dit toujours “novateurs” alors que peu à peu leurs idées entrent dans les faits et dans les programmes. Mais elles font un peu peur, surtout aux supérieurs hiérarchiques (inspecteurs). On commence par “une heure” et on finit par “toujours”… Une méthode d’apprentissage ne devrait pas partir de l’enseignant mais de celui qui apprend (l’apprenant disent les techno-pédagogues) : il y a donc autant de méthodes que d’individus… Il n’y a donc pas de recette miracle, pas de solution toute faite, pas de pédagogie imposable.

  5. Bravo ! J’admire ta réactivité, ta présence d’esprit, ton inventivité, ta patience… je suis sûre que c’est une expérience très enrichissante aussi bien pour l’animatrice que pour les participants. Continue !

    1. Merci Dominique <3 Tu as raison, c'était une expérience très riche. Je savais les enfants très imaginatifs, mais là j'ai été étonnée par leur inventivité. Je ne me suis toujours pas remise de l'échelle généalogique ! J'ai hâte d'être à lundi, pour commencer un nouvel exercice avec les CM2 😉

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