Les actes notariés sont une source inépuisable d’enrichissement de notre histoire familiale. Ils nous renseignent sur le statut social, les conditions de vies. Ils peuvent nous permettre de résoudre une épine généalogie grâce à la mention d’un évènement ou d’un individu. Ces actes, comme l’inventaire après décès, nous donnent aussi la possibilité d’entrer chez nos aïeux. Entrons chez Julien Goupil.
Julien Goupil a eu une vie bien occupée. Il naît le 14 mai 1777 à Dourdain (35). En 1803, il épouse à La Bouëxière (35), Jeanne Marie Lecocq. Le couple s’installe à Dourdain, dans la ferme familiale jusqu’en 1810. Ils vivront par la suite au hameau de la Talottière, à La Bouëxière. Jeanne ne survivra pas à son sixième accouchement en 1814. L’enfant et la mère décèdent.
À 36 ans, Julien est veuf avec quatre enfants en bas âge. Cinq mois après le décès de Jeanne, il se marie avec Anne Bazillais, sa cadette de 19 ans.
Entre 1814 et 1840, le couple aura douze enfants, dont onze atteindront l’âge adulte. Julien et Anne occuperont différentes fermes, toujours à La Bouëxière.
Du testament à l’inventaire après décès
Le 17 février 1840, Julien Goupil fait appeler Maître Lemoine. Il souhaite lui dicter son testament ou plutôt mettre par écrit un élément important pour sa future succession : l’armoire à deux battants ne lui appartient pas.
Je donne et lègue à Anne Bazillais, ma femme, avec moi demeurant, tous les biens meubles et immeubles dont je déciderai disponibles en sa faveur, pour ma dite épouse en jouir et disposer en véritable propriétaire aussitôt après ma mort, voulant qu’elle ait et dispose de toute la portion des biens que je pourrais lui donner à l’instant de ma mort. Je reconnais que l’armoire neuve à deux battants chantournées à feuilles de fougère, bois de cerisier qui est dans la maison que j’habite appartient à Marie Goupil, ma fille aînée, avec moi demeurant, qui l’a payée avec le fruit de son épargne et de ses économies.
Testament de Julien Goupil – Minutes Maître Lemoine, 4 E20/4, Archives départementales Ille-et-Vilaine
Dans l’ordre des naissances, Jeanne Marie est le neuvième enfant de Julien, la première fille survivante en 1840.
Trois jours plus tard, le 20 février, Julien Goupil rend son dernier souffle. Il avait 62 ans.
L’inventaire après décès : dans l’intimité de nos ancêtres
Le 6 mars, à la requête d’Anne Bazillais, Maître Lemoine, dresse l’inventaire des biens de la communauté.
Tout d’abord, ce document nous apporte des éléments importants concernant les enfants de Julien Goupil.
À la requête
1° de la dite Bazillais, tant en privé nom, comme veuve commune en biens du dit Julien Goupil et sa légataire d’un treizième de tous ses biens, aux fin de testament du dix sept février dernier reçu par Lemoine, l’un des notaires soussignés, que comme tutrice légale de Jean-Marie, François, Perrine, Pierre, Louise, Anne, Jeanne et Françoise Goupil, ses huit enfants mineurs nés de son mariage avec le dit feu Goupil et se portant fort en outre et garantissant l’aval été du présent pour Armand Goupil, son fils aîné, militaire en activité de service.
2° de Marie Goupil, fille majeure, demeurant avec la dite Bazillais, sa mère et les dix enfants Goupil ci-dessus dénommé, frères et sœurs germains.
3° du sieur Julien Goupil, menuisier, demeurant à La Haye, dite commune de La Bouëxière.
4° enfin, du sieur Pierre Goupil, tailleur, demeurant au bourg, même commune de La Bouëxière. Ces deux derniers nés du premier mariage du dit feu Julien Goupil avec Jeanne Marie Lecocq, seule héritiers conjointement, avec leurs dix frères et sœurs consanguins ci-dessus dénommés, du dit Julien Goupil, leur père commun et fondé seulement chacun pour un treizième dans sa succession, attendu qu’aux fin du testament précité la dite Bazillais y est elle même fondée pour un treizième.
Inventaire après décès de la communauté Goupil/Bazillais – Minutes Maître Lemoine, 4 E20/4, Archives départementales Ille-et-Vilaine
Détail du mobilier
Ensuite, nous découvrons quel pouvait être l’intérieur de la ferme. Si la ferme n’existe plus, nous pouvons penser, d’après le détail qui en est fait par le notaire, qu’elle ressemblait à la ferme de la Chagaudière, ci-dessus.
Grâce aux collections du Musée de Bretagne, nous pénétrons chez Julien Goupil et Anne Bazillais :
Au rez-de-chaussée
Chambre au-dessus de la salle
Grenier au-dessus de la chambre
Dans un autre grenier
Dans le cellier
Dans l’étable
Dans l’étable aux bœufs
Dans la cour
Dans la grange
Dans le corridor
Dans le corridor du pavillon
Garde-robe de Anne Bazillais
Garde-robe de Julien Goupil
Une vie de labeur
Si l’intérieur peut sembler chargé, cela n’est pas pour autant signe de richesse. Ce qui nous est confirmé par les sommes dûes par la communauté Goupil-Bazillais.
Bien qu’Anne Bazillais attende 230,90 francs de divers fermiers pour, notamment, la vente de blé, 172 francs pour les sous-louages, elle doit encore 600 francs à la veuve Fecellier pour argent prêté et 582 francs à Mademoiselle Hervelen pour la location des terres que le couple exploitait.
Le couple rencontraient de grandes difficultés financières. En effet, outre les 600 francs cités, Julien Goupil avait emprunté 30 francs à son fils Pierre. En outre, suite au décès de leur fille Marguerite en 1833, Anne Bazillais déclare
que sa communauté doit devoir à ses neuf premiers enfants 294 francs pour la vente que son feu mari et elle ont faite aux dits Julien et Pierre Goupil de leurs droits dans la succession immobilière de feu Marguerite Goupil leur sœur consanguine, de plus leur part dans la succession mobilière de la dite Marguerite Goupil
Inventaire après décès de la communauté Goupil/Bazillais – Minutes Maître Lemoine, 4 E20/4, Archives départementales Ille-et-Vilaine
Anne Bazillais décèdera en 1864. Elle vivait chez sa fille Françoise et son gendre Paul Sauton. Il me reste à vérifier si elle a laissé un testament et/ou des biens. Comment s’est-elle sortie de cette situation financière ?
En conclusion, les actes notariés sont comme une pelote de laine. Tirez délicatement le fil pour dérouler la vie de vos ancêtres.
Sources :
Heritaj, l’encyclopédie du patrimoine dansé et vestimentaire de Bretagne
Belle idée toutes ces photos qui retiennent bien plus l’attention du lecteur (y compris s’il n’est pas “généalogiste”! que la longue énumération d’un inventaire après décès!
Les actes notariés : le vrai bonheur de la généalogie!